Un an après son investiture/Alassane Ouattara, seul maître du jeu

Un an après son investiture/Alassane Ouattara, seul maître du jeu
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Comment, il a dompté l’opposition

-Ses adversaires dans la tourmente

Après les élections présidentielles émaillées de violences avec son corollaire de morts et de dégâts matériels, nombreux étaient, les observateurs de la scène politique ivoirienne qui ont pensé que le mandat du  président nouvellement élu  allait prendre du plomb dans l’aile. Que nenni ! Plus d’un an après, en dépit de multiples complaintes et autres jérémiades de l’opposition, le patron  du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix(RHDP) Alassane Ouattara,  est le seul maître du jeu. Décryptage.

 Après son élection pour son premier mandat de la 3eme République, Alassane Ouattara a invité l’opposition au dialogue et surtout appelé à des négociations avec ses opposants relativement à la commission électorale indépendante avant les législatives.  Ce jour-là, treize chefs d’Etat africains étaient présents (Bénin, Burkina Faso, Congo-Brazzaville, Ethiopie, Ghana, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Sierra Leone, Togo). Parmi les invités de marque à cette cérémonie, l’ancien président français Nicolas Sarkozy, qui avait soutenu  Alassane  Ouattara lors de la crise post-électorale de 2010-2011. La France était représentée par son ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. Soucieux de détendre, le climat, quelque peu tendu, il a  envoyé un message à l’opposition : « J’invite l’ensemble des partis politiques à saisir cette nouvelle opportunité qui s’offre à tous pour aboutir à une décrispation du climat par le dialogue », a-t-il  déclaré. Il a auparavant indiqué avoir demandé au défunt  premier ministre Hamed Bakayoko de reprendre les discussions  sur la Commission électorale indépendante (CEI) avec l’opposition, qui avait boycotté la présidentielle du 31 octobre et conteste toujours sa légitimité. Elu en 2010 et 2015, Alassane Ouattara a été élu le 31 octobre pour  son 1er mandant de la 3e République  dès le premier tour avec 94,27% des voix, au terme d’un scrutin marqué par des violences qui ont fait 85 morts entre août et novembre. Fort de son leadership, les violences ont cessé après une rencontre le 11 novembre entre lui  et le chef de l’opposition, l’ancien président Henri Konan Bédié. Des négociations ont aussitôt été engagées entre  le pouvoir et l’opposition, dont certains membres comme son porte-parole Pascal Affi N’Guessan sont incarcérés pour avoir voulu créer un Conseil National de Transition(CNT). Inscrit dans une logique de réconciliation nationale, lesdits prisonniers seront libérés. D’ailleurs, lors de discours d’investiture, il avait également  promis la création d’un  ministère en charge de la réconciliation nationale que dirige aujourd’hui, son adversaire auxdites élections, Konan Kouadio Bertin alias KKB. Rappelant toutefois que les violences et les actes intolérables commis lors de l’élection présidentielle ne resteront pas impunis. C’est donc, à juste titre que le procureur de la République Adou Richard au cours d’une conférence de presse récemment a indiqué que tous les instigateurs de la désobéissance civile d’octobre 2020 subiront la rigueur de la loi. Une déclaration qui a mis l’opposition et ses leaders dans tous leurs états. Rappelons qu’après ce bras de fer engagé par l’opposition, elle a pris part aux élections législatives qui ont suivi la présidentielle d’octobre. « La coalition des plateformes et des partis politiques de l’opposition voudrait vous annoncer aujourd’hui de façon solennelle qu’elle participera aux élections à venir », a certifié George Armand Ouegnin, président de la plateforme EDS (Ensemble pour la démocratie et la souveraineté). Il faut toutefois, souligner que  le GPS de Guillaume Soro et six petits autres partis de l’opposition ont refusé  de participer aux législatives 2021.    Pour ces formations politiques, en effet,  les conditions qui les ont obligées à ne pas participer à la présidentielle d’octobre dernier n’ont pas évolué. Pour Guillaume Soro, participer au scrutin législatif, c’est reconnaitre le pouvoir d’Alassane Ouattara. D’autres partis comme le FPI, tendance Pascal Affi N’guessan, et le COJEP de Charles Blé Goudé, ont claqué la porte du front de l’opposition au motif que le PDCI et le FPI de Gbagbo voudraient se partager tous les postes en raison de leur hégémonie.  En dépit de toutes ces réticences, joignant l’acte à la parole, les partis politiques de l’opposition ont participé aux élections législatives qui ont une fois de plus consacré la victoire du RHDP. Une autre victoire pour le président Alassane Ouattara qui venait de donner un autre coup de massue à ses adversaires politiques.

Le RHDP en position de force

Se prononçant sur cette sortie du procureur de la République, un observateur a été on ne peut clair quant à la position de force du parti présidentiel. « Hasard du calendrier ou pas, la sortie du procureur Richard Adou aura une incidence majeure sur les discussions qui auront lieu au cours du dialogue politique. En négociation politique, il faut avoir des arguments de poids pour faire basculer la balance de son côté. Et ce n’est pas l’opposition ivoirienne qui dira le contraire. Loin de s’attendre à un tel scénario, surtout le timing qui est encore plus étonnant, d’autant plus que cette affaire judiciaire s’est interposée juste après l’ouverture du dialogue politique. Une situation qui fait les affaires du régime RHDP, qui se retrouve en position de force dorénavant face à une opposition qui est sous la menace de la justice. L’opposition ivoirienne devra faire des concessions au cours des négociations avec le pouvoir car ses principaux leaders sont dans le collimateur de la justice. Même si elle récuse, les accusations à son encontre en rétorquant que le troisième mandat du président Ouattara est bel et bien la raison principale de toutes les violences perpétrées lors de la période de l’élection présidentielle de 2020. Après Laurent Gbagbo, dont le casier judiciaire contient toujours la condamnation par contumace, la justice ivoirienne pourrait encore sévir dans les rangs de l’opposition au grand dam des détracteurs de la théorie de « l’instrumentalisation de la justice ». Une fois de plus, le dernier mot reviendra au chef de l’État, qui devra prendre les mesures nécessaires afin que les avancées de la décrispation de la situation sociopolitique et l’implication de toute la classe politique dans le processus de réconciliation nationale ne soient pas en péril », soutient-il.

La division de l’opposition profite à Ouattara

Avec le retour de Laurent Gbagbo suite à son acquittement par la Cour pénale internationale(CPI), l’on a pensé que l’union sacrée de l’opposition allait affaiblir Alassane Ouattara et son parti. Malgré le rapprochement entre le PDCI d’Henri Konan Bédié et du PPA-CI, le parti créé par Gbagbo après sa rupture avec le FPI, l’opposition n’arrive toujours pas à sortir les griffes. Le pays d’Houphouët Boigny, on le sait est réputé pour ses alliances et ses divorces.  Si les ambitions et les trahisons ne sont pas propres à la Côte d’Ivoire, la classe politique est réputée pour ses alliances et mésalliances. 1995 ? Laurent Gbagbo boycotte la présidentielle en soutien à Alassane Ouattara et Henri-Konan Bédié est élu triomphalement face à un seul candidat. 2010 ? L’élection se termine en crise meurtrière entre les camps des deux candidats, le sortant Laurent Gbagbo élu en 2000 grâce, notamment, au soutien de Ouattara, et les partisans de ce dernier… Il faut dire que, tout au long de la décennie 2000, le pays a été coupé en deux avec, au nord, des partisans d’Alassane Ouattara emmenés par Guillaume Soro, futur Premier ministre et président de l’Assemblée nationale d’Alassane Ouattara,  qui a été l’un des  signataires  de l’appel à la transition. L’on peut également rappeler la présidentielle de 2015, lorsque Henri-Konan Bédié se désiste et offre à Alassane Ouattara une confortable réélection sous les couleurs d’une coalition RHDP dans laquelle Bédié ne voudra finalement pas dissoudre son parti, le PDCI. Ce désaccord sera à l’origine de la « brouille » entre Bédié et Ouattara. D’ailleurs, parlant d’alliances, Fahiraman Rodrigue Koné, un observateur bien averti du marigot politique ivoirien dira : «  C’est une opposition qui  ratisse assez large avec des leaders ayant chacun son agenda. La cohérence d’un bloc monolithique parlant d’une seule voix sans dévoyer la stratégie pourrait, à long terme, se fissurer. L’endurance du groupe pourrait ne pas résister au temps. En d’autres mots, l’opposition est aujourd’hui face au défi de l’union. Et nul, doute qu’Alassane Ouattara saura scruter de près les moindres signes d’essoufflement ».Au regard du balbutiement de l’opposition ivoirienne, lentement mais sûrement,  Alassane Ouattara a su consolider  son pouvoir contesté par ses adversaires. Autant dire que plus d’un an après son investiture, il reste le seul maître du jeu.

Eugène Kanga B

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