Election à la présidence de la Fif : La politique a-t-elle pris le dessus dans le choix des dirigeants

Election à la présidence de la Fif : La politique a-t-elle pris le dessus dans le choix des dirigeants
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La politique a-t-elle pris sournoisement le dessus dans le choix des dirigeants au sein de nos différentes fédérations sportives comme le susurre bien  d’observateurs de la vie sportive ici en Côte d’Ivoire ? Autrement dit, le choix des responsables de ces fédérations est-il un choix délibéré des acteurs de la discipline en question et qui reposerait uniquement sur des considérations objectives, telles que la valeur intrinsèque de l’individu ? Ou, repose t-il sur les autres considérations?

Autant de questions que la plupart des sportifs ivoiriens se posent dans ce contexte actuel où l’intervention du politique, dans différentes sortes d’activités, semble régir, en général, la vie quotidienne et professionnelle de chacun.

 Qu’en est-il dans le domaine du football à quelque jours de ce grand rendez vous que prend l’instance dirigeante du football ivoirien, avec l’histoire ?

Pour rappel, l’affiliation de notre pays aux dispositions en vigueur dans les instances sportives africaines et mondiales, au niveau du football, remonte au tout début des années 60  l’accession de la Côte d’Ivoire à la souveraineté nationale et internationale sous l’égide du Parti Démocratique de Côte d’Ivoire, sous-section du Rassemblement Démocratique Africain. Parti avant-gardiste,  sous l’impulsion de son chef et premier président de la République Félix Houphouët Boigny.

 Depuis cette date, ce sont au total douze (12) personnalités qui auront présidé aux destinées du football Ivoirien. Ces honorables messieurs ont pour noms : Germain Coffi Gadeau (1960-1963) ; Mathieu Ekra (1963-1965) ; Ibrahima Coulibaly (1965-1972) ; Hubert Varlet (1972-1973) ; Camille Oguié (1973-1974) ; François Amani Goly (1974-1980) ; Jean Brizoua Bi (1980-1988) ; Emmanuel Ezan (1988-1990) ; René Diby (1990-1990) ; Ousseynou Dieng (1990-2002) ; Jacques Anouma (2002-2011) ; Augustin Sidi Diallo (2011-2020). Parmi ces présidents, on peut dégager deux groupes en fonction du contexte politique et des réalités du moment.

Le premier, regroupe toutes ces figures qui ont dirigées la fédération, de 1960 à 1980. Période qui correspond, au plan politique, au règne du parti unique intégral dans un régime présidentiel fort peu ouvert à la contradiction  dans le respect strict des mots d’ordre. A l’image du Parti lui-même et dont les membres devront travailler dans la ligne tracée par la direction et avec des caciques, fideles parmi les fideles. Et surtout dans un environnement économique prospère.

Dans cet environnement, le choix du dirigeant ne souffre d’aucune ambiguïté et s’opère au sein des militants du parti. Surtout qu’à cette époque, aucun texte réglementaire en matière d’élection du président de fédération, ne faisait barrage à l’immixtion du politique dans les affaires du football. C’est donc tout naturellement que le choix de l’homme qui devrait diriger le premier bureau exécutif de la  Fédération Ivoirienne de Football fut porté sur un homme du sérail en la personne du ministre Germain Coffi Gadeau. Grand homme de culture, homme de théâtre qui s’est révélé à l’Afrique Occidentale Française à William-Pointy. Mais aussi un sportif connu pour avoir fait partie de l’équipe dirigeante des fonctionnaires, ancêtre du Stade d’Abidjan.

 On retient que c’est sous sa présidence, que l’Union des Clubs de Bassam fut sacrée championne de Côte d’Ivoire en 1960 et 1961 devant deux clubs de la ville d’Abidjan que sont, le Stade et l’Asec, vainqueurs eux, en 1962 et 1963, quand l’équipe Espoir de Man remportait la coupe nationale en 1960. L’Africa en 1961, l’Asec en 1962 et la JCA en 1963. Mais le ministre Coffi Gadeau, premier président de la Fif sera  brutalement éjecté de ce fauteuil à la suite d’une affaire politique en 1963 : le complot du Chat Noir. Accusé de faire partie des comploteurs, il est jeté en prison sans autre forme de procès puis remplacé par un autre cacique du Pdci en la personne du Ministre Mathieu Ekra.

 La série des nominations des présidents à la Fédération Ivoirienne de Football par les pouvoirs publics va se poursuivre avec le choix d’Ibrahima Coulibaly, Hubert Varlet et Camille Oguié. Ce dernier,  magistrat de haut vol a plutôt été préféré pour ses qualités d’homme intègre, grand connaisseur des dossiers avec pour mission de doter la Fédération de textes juridiques solides en conformité avec les textes internationaux. Textes qui continuent aujourd’hui encore de régir le fonctionnement de la faîtière du football ivoirien.

Mais plus que tout, la désignation de François Amani Goly à la tête de la Fif en 1974 consacre, d’une certaine manière, l’emprise du politique sur le football Ivoirien dans un contexte de guerre lavé entre deux présidents : Houphouët Boigny et Sékou Touré. Un peu pour faire contre poids à l’influence du dirigeant Guinéen dans les victoires engrangées par la Guinée au détriment de la Côte d’Ivoire au niveau des clubs.(Asec-Hafia en 1972 et en 1974) et aussi pour sacrifier, à la tendance de l’époque en Afrique de l’Ouest avec les victoires à relents politique du Ghana lors de la coupe d’Afrique des Nations organisée à domicile par ce pays et celle du Nigeria en 1980 organisée au Nigeria.

La seconde période qu’on pourrait situer de 1980 à 1988 dans l’histoire du sport “Roi’’ a été inaugurée par un autre magistrat : Jean Brizoua-Bi. Dans un climat politique moins “étouffant’’ avec l’instauration de la “démocratie à l’ivoirienne’’. Système dans lequel le choix des responsables politique est encadré par le parti unique, mais reste toutefois “subordonné’’ à la volonté du plus grand nombre d’électeurs.

 Cette disposition, a eu le mérite de déteindre sur les élections des dirigeants dans d’autres secteurs d’activités autres que la politique. C’est dans cette atmosphère que le candidat Jean Brizoua-Bi est élu par consensus en 1980 malgré la menace de candidature de sont prédécesseur Amani Goly. Il y restera huit ans. Jusqu’en 1988 après un mandat des plus tumultueux et en pleine crise économique majeure,  marquée par la détérioration des termes de l’échange, la mévente des produits de rente tels que le café et le cacao, une inflation galopante etc…

Le régime alors acculé de toute part par des grèves intempestives.

 Afin de desserrer l’étau dans cette atmosphère délétère, l’ex-gouverneur de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, Alassane Ouattara est appelé au chevet du pays. Une période qui arrive presqu’à  la fin du mandat du président Brizoua-Bi qui aura vu des vertes et pas des mûrs durant son mandat. Aussi bien au plan national qu’international avec la rivalité, de plus en plus exacerbée, entre l’Asec et l’Africa dirigé par un certain Simplice De Messe Zinsou, gendre du président Félix Houphouët Boigny qui avait en face de lui la famille Ouegnin, propriétaire du club aux couleurs des fleurs mimosas : le jaune et le noir.Une famille de laquelle est issue le chef du protocole, le mythique Georges Ouegnin. Affectueusement appelé “ le Gentleman de Cocody’’.

 Le plan international est marqué par les échecs répétés de l’équipe nationale en Coupe des Nations et de celui des clubs locaux dans les autres compétitions africaines.

 En effet, ni l’Asec, ni l’Africa, les deux clubs phares ne réussissent à graver leur nom sur le socle d’une coupe Africaine quand bien même la victoire du Stella Club d’Abidjan en coupe de la Fédération est venue rappeler qu’il ne faut jamais désespérer.

Malheureusement une crise due à des soupçons de corruption de certains membres de la fédération vient mettre fin au mandat de l’équipe à Brizoua-Bi par la tutelle en 1988.

 Ezan Emmanuel, ex-champion d’Afrique avec le Stade d’Abidjan (1966). Administrateur civil de son état est coopté par le politique  pour  assurer l’interim de 1988 à 1990.

L’élection qui s’ensuit  voit la victoire éclatante de Réne Diby, pharmacien de son état et aussi, sportif multidimensionnel ; Président en exercice de l’équipe de football (Socraff de Dabou) et d’un club de Hand-ball du même nom.

 Cette élection, de mémoire de sportif fut la première à être contrôlée, de bout en bout par des vrais sportifs eux-mêmes sans interférence majeure du  politique.  

Mais,  René Diby n’aura pas le temps de rester longtemps à la tête de la Fif. En effet, lors de la constitution du gouvernement de technocrate formé par Alassane Ouattara, Diby est nommé Ministre des Sports.

Signe des temps, l’avènement du multipartisme intervenu en 1990 va injecter une dose plus politique dans le choix des candidats à la Fif.

  En effet, devant la liberté de chacun à appartenir au parti politique de son choix, le parti au pouvoir va marquer son territoire en veillant à ce que les différents leviers de la vie sociale ne lui  échappent  pour tomber dans les mains de l’adversaire politique qui pourrait s’en servir comme moyen de propagande.

Aussi Le Pdci qui n’entend pas céder un seul pouce de «  son territoire » va déployer son artillerie lourde sur le terrain pour faire gagner son poulain, Dieng Ousseynou par ailleurs  trésorier du Parti au pouvoir le Pdci Dieng Ousseynou  face aux velléités de son ami Jacques Anouma. Soupçonné d’avoir des atomes crochus avec le leader du parti de l’opposition, le Fpi.

A son tour lorsque le Fpi parvient au pouvoir en 2000, son candidat est tout prêt : Ce sera Jacques Anouma et pas quelqu’un d’autre. Il restera à la tête de la fédération tout le temps que son mentor Laurent Gbagbo sera au pouvoir de 2002 (fin du mandat de Dieng) à 2011 au départ du président Laurent Gbagbo.

L’avènement du président Alassane Ouattara va sonner l’heure de gloire d’un autre cacique du Rhdp en la personne de Augustin Sidi Diallo qui, selon certaines sources proches des pensionnaires de l’hôtel du Golf lors de la crise postélectorale, aura été d’un apport précieux à ces derniers. Certains même lient son choix à la tête de la fédération à l’amitié entre  Abdoulaye Diallo père et le président de la république. Vrai ou faux ? Toujours est-il, que le fossé est vite franchi.

Qu’en sera-t-il de la prochaine élection les semaines à venir ?

 Drogba Didier, Sory Diabaté et Idriss Diallo sont-ils les pions des politiques ou seront-ils élus en fonction de leurs programmes  et leurs capacités à faire évoluer dans le bon sens, le football ivoirien ? Attendons de voir !

T. Blé

L K

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