Interview/Eugène Momo Ekissi, artiste multidimensionnel : « Nous exportons notre savoir-faire en Allemagne »

Interview/Eugène Momo Ekissi, artiste multidimensionnel : « Nous exportons notre savoir-faire en Allemagne »
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Invitée au 6ème symposium international des experts du théâtre de marionnettes en Allemagne du 26 août au 4 septembre, à Northeim,  la Côte d’Ivoire est représentée par un trio d’artistes, composé d’Eugène Momo Ekissi, Delagrange Krimbo et Amenan Béatrice Kouakou. Nous nous sommes entretenus avec leur chef de file, Eugène Momo Ekissi, artiste multidimensionnel, lors d’une pause de répétition, pour en savoir plus  sur cet important événement auquel participe pour la première fois des Ivoiriens.  Entretien.

 Cette année, des artistes ivoiriens sont invités au Festival des marionnettes en Allemagne. Comment cela a-t-il pu être possible ?

Cela a été possible par la continuité de mon travail de marionnettiste en Allemagne. C’est vrai que je travaille dans la mise en scène, le conte et les instruments traditionnels africains, mais je travaille beaucoup dans la marionnette. Et à la faveur d’un dernier projet dénommée kolk 17 avec la ville de Lubeck et son musée des marionnettes, mon travail a été découvert et reconnu. J’ai été invité comme expert à participer à un projet. Donc, c’est à travers ce projet que mon travail s’est révélé. Et l’équipe des marionnettes de ce musée et celle du projet ont présenté mon travail dans le cercle professionnel. C’est ainsi que les organisateurs de ce symposium m’ont découvert. Ils m’ont contacté par l’entremise d’une amie qui a fait la coordination, Julika Over Break, à qui je dis merci en passant. Donc,  c’est dans la continuité des choses que nous sommes arrivés là. Je n’étais pas dans mon coin et on m’a dit, viens. Non, en Allemagne dans le milieu scolaire, dans le public jeune, amateur et professionnel, mon travail est connu et reconnu.

Vous avez eu recours à vos compatriotes pour leur donner une chance d’éclore et aussi une autre dimension de votre travail ?

Oui, çà rejoint le titre de mon spectacle ‘’Ensemble nous sommes’’. Il est vrai que c’est moi qu’on demandait, mais j’ai eu l’idée de présenter une couleur de notre pays, une sorte de carte postale culturelle de l’Afrique en général, mais de la Côte d’Ivoire en particulier. Ainsi donc, j’ai associé au projet,  le jeune maître tambour Krimbo Delagrange Gbogboria, qui fait un excellent travail et qui mérite aussi à être porté sous les feux de l’actualité et sur les scènes internationales. Car, on ne sait jamais. J’ouvre la porte on y entre et le talent de l’artiste fait le reste. Il y a la sœur Béatrice Kouakou avec qui j’ai longtemps travaillé par le passé, mais devenue épouse, il nous fallait négocier avec son mari pour exploiter son talent et lui donner la chance de se remettre en selle. Dieu merci, la démarche a abouti à la bonne piste pour la faire revenir à ses amours du départ. Sincèrement, elle en était très coupée comme d’ailleurs nous tous, à cause de la covid-19. Et donc, l’un dans l’autre, moi dans le théâtre, le conte et les marionnettes, Krimbo dans le tam-tam parleur, corporel et instrumental, et Béatrice dans son apport de marionnettiste, je pense avoir trouvé un bel équilibre.

Que vous inspire ce clin d’œil fait à la Côte d’Ivoire, vu que c’est la première fois que des artistes de ce pays sont invités à cet événement ?

Ce clin d’œil fait à notre pays nous touche et nous sommes très heureux de savoir qu’à l’international, on pense de plus en plus à la Côte d’Ivoire dans différents compartiments. Sur le plan culturel, nous sommes heureux que le Symposium des experts allemands du théâtre de marionnettes reconnaisse que dans notre pays, il se passe aussi des choses. Et c’est pour moi,  l’occasion de dire aussi merci au Ministère de la Culture, qui à travers son directeur de cabinet s’est impliqué et nous a soutenus pour nous faciliter les différentes démarches liées à cette mission d’ambassadeurs si je peux m’exprimer ainsi.  Il a été très présent et disponible.

En tant qu’ambassadeur ivoirien quel tableau présenteriez-vous à cette rencontre de la marionnette ?

Disons que nous cousons autour de la marionnette une histoire d’amour, dont la finalité rejoint le souci actuel de la Côte d’Ivoire et je dirais pourquoi pas de la terre entière. Parce que partout, tout le monde parle de bien vivre ensemble. Partout, tout le monde souhaite une harmonie sociale. En Côte d’Ivoire, c’est devenu pour nous,  un thème important. Soi-dit en passant, quand nous finirons notre mission en Allemagne, j’essaierai de rencontrer le ministre de la réconciliation nationale et nous allons l’inviter à une répétition de ce spectacle, pour échanger avec lui pour voir dans la mesure du possible comment est-ce que ce travail peut être utilisé comme outil de mission pour son ministère. Et qu’est-ce qu’on peut faire ensemble pour améliorer les choses. Le tableau que nous présentons à cette rencontre renferme des scènes de conflits, de mésententes, mais encore une fois grâce à l’apport d’une mère,  sa fille retrouve le bonheur. On retrouve l’harmonie, si bien que le vieux roi qui s’opposait à beaucoup de choses se sent lui-même heureux de voir qu’autour de lui,  le monde est heureux.

Quel conseil pouvez-vous  donner aux artistes qui n’arrivent pas à éclore, malgré leur énorme potentiel qui pourrait les faire vendre ?

Le conseil que je peux donner est qu’il faut accepter la folie de son sacerdoce. C’est comme ça que j’appelle le travail d’artiste. Il y en a qui ont fait de bonnes études, il y en a qui ont de bonnes formations professionnelles, bonnes entre-griffes conventionnellement parlant, mais qui décident de renoncer à tout, parce qu’ils sentent en eux cet appel à l’abandon de l’art. Moi, je ne peux que les encourager à persévérer, les inviter à y croire, parce que comme le dit souvent mon jeune maître tambour Delagrange, seul le travail paye. C’est vrai, certains diront, il est facile de rester en Europe. C’est vrai, les conditions ne sont pas de façon identique les mêmes, mais un artiste ivoirien ou africain qui vit à l’étranger est obligé de bosser. Sinon, il va lui-même se faire enterrer. Donc, il faut travailler et y croire. Et surtout sur le plan organisationnel, il faut accepter de se faire encadrer et avoir l’humilité de se faire suivre. L’artiste est le créateur, spécialisé dans son ou ses domaines, mais pour la communication, le management, la promotion et la diffusion, ce sont d’autres compétences. Il faut de plus en plus qu’on accepte de travailler en équipe. Par exemple, si nous ne venions pas vers la presse, notre travail passerait inaperçu. Je dis merci à la presse, parce que le travail des journalistes est immense et important pour nous faire connaître et nous faire avancer. A l’étranger, quand les gens veulent nous découvrir, ils parcourent les journaux de nos pays d’origine. Il est donc important que nous ayons des traces ici, qui témoignent du fait que chez nous, nous ne sommes pas des usurpateurs, mais que sous d’autres cieux que le nôtre, nous continuons ce que nous avons commencé dans notre pays. Je dis merci à mes jeunes collègues pour la confiance qui est réciproquement partagée. Je leur ai fait confiance et en retour ils me l’ont bien rendue. Je remercie surtout Krimbo, qui pendant toute cette retraite, est sorti de son centre de formation soit dit en passant, c’est le centre de formation artistique Krimbo (Cfak) où il travaille beaucoup avec les enfants démunis. Il essaie de leur donner les pistes d’un avenir à travers l’art de la danse et la percussion. C’est un travail social immense qu’il fait. Je l’en remercie et je souhaite qu’à la faveur de ce projet, des rencontres bonnes, productives et fructueuses soient faites pour que son centre artistique prenne un envol et que lui-même, rencontre les personnes qui l’aideront à porter la petite équipe qu’il tient depuis Dieu seul sait combien d’années.

Propos recueillis par Clément Koffi

Légende : Eugène Momo Ekissi, l’artiste multidimensionnel qui conduit l délégation ivoirienne. 

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