Interview-Situation sociopolitique/Joël N’Guessan: « Je n’ai pas eu tort d’aller au RDR… »

Interview-Situation sociopolitique/Joël N’Guessan: « Je n’ai pas eu tort d’aller au RDR… »
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 ·        Celui qui veut être un homme politique,  doit d’abord commencer à assumer ses responsabilités

-Depuis quelques années, l’opposition ivoirienne n’a jamais rien proposé aux Ivoiriens

·        Le meilleur décryptage qu’on puisse faire, est le Président Alassane Ouattara.

Adhésion au RDR,  relations avec Alassane Ouattara, dialogue politique et réconciliation nationale, résultat de l’enquête d’Adou Richard sur les événements de la présidentielle de 2020, autant de sujets sur lesquels Joël N’Guessan, cadre du RHDP et ancien ministre des Droits de l’homme, s’est prononcé en marge de la dédicace de son ouvrage « Porter la parole, un sacerdoce ». Dans l’interview qui suit, il  fait le grand déballage. Entretien.

Dans le premier chapitre de votre ouvrage, vous affirmez avoir adhéré au Rassemblement des républicains(RDR) en 2008. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour rejoindre ce parti ?

Il n’est jamais trop tard pour mieux faire. J’observais. En tant qu’observateur de la scène politique, j’attendais de voir ce que chacun des hommes politiques proposait. Si vous vous souvenez bien, c’est seulement, en 2007,  je crois, qu’il y a eu une convention du RDR. C’est au cours de celle-ci, que son leader Alassane Ouattara a rendu officiel son projet pour la Côte d’Ivoire. J’ai suivi de près cette convention, même si je n’étais pas dans la salle où s’est passé l’événement. J’ai constaté qu’il était le seul parmi les hommes politiques ivoiriens à proposer quelque chose de mesurable. Ce que j’appelle mesurable, c’est qu’il ne s’agit pas de dire, je vais faire le bonheur des Ivoiriens. Ce n’est pas mesurable comme parole, c’est purement émotionnel en le disant. Ce qui est mesurable est de dire, je vais vous donner de l’eau, de l’électricité, des routes, des centres de santé. Il a fait mieux, en disant dans son projet combien d’écoles, d’universités, de centres de santé, il allait construire. Et combien de villages, il allait électrifier. Il est même allé à dire que tous les villages qui sont peuplés de plus de 500 habitants auront de l’électricité. Ce qui n’avait jamais existé auparavant. Tout le monde se  plaisait à avoir des vœux pieux, tel, je vous apporterai le bonheur. Je me souviens de certains qui disaient le progrès pour tous, le bonheur pour chacun. Franchement, ce n’était pas du tout palpable. Personnellement,  je suis de ceux qui ne s’engagent dans une action que quand je peux mesurer et apprécier. Donc, c’était la première fois que j’observais un leader politique très précis. C’est à partir de là que j’ai pris l’option d’adhérer au RDR. J’avais beaucoup d’amitiés dans ce parti, notamment des personnes comme Amadou Gon Coulibaly, paix à son âme, avec lesquelles, j’avais des amitiés particulières. On se rencontrait à des endroits pour discuter. Il y avait des gens du RDR qui ont milité au sein de la rénovation pour le Pdci Rda. Moi, j’étais un membre de la rénovation et on se connaissait, mais faire le pas pour aller dans un parti, il me fallait des arguments solides qui puissent fonder ma conviction. Et je crois que c’est la convention du RDR qui m’a donné ces arguments.

Au dernier chapitre de votre livre, vous affirmez, je n’ai pas eu tort. Pourquoi, cette confession ?

Ce n’est pas une confession, c’est un constat. Avant d’aller au RDR, j’étais en train d’analyser le microcosme politique. Et j’ai fait l’option, me disant, je vais au RDR, parce qu’il y a quelque chose de concret. Il y a un projet précis que je pourrais apprécier. Donc,  je rentre au RDR, et 10 ans après, non seulement Alassane arrive au pouvoir, mais 10 ans après, je constate qu’il met en œuvre ce qu’il a dit. Donc, je n’ai pas eu tort d’aller au RDR, parce que je constate qu’Alassane a mis en œuvre ce qu’il a promis et qu’on peut mesurer. Dans les annexes de l’ouvrage, vous verrez que j’ai donné la liste de tout ce qu’il a fait, qu’on peut comparer à ce qu’il a dit lors de la convention. C’est ce que je voulais dire à travers je n’ai pas eu tort.

Le procureur de la République, Richard Adou a livré le résultat de son enquête des événements malheureux  de la dernière présidentielle. Il pointe du doigt  certains responsables politiques  d’avoir orchestré les troubles. Quel commentaire faites-vous?

Vous savez, quand les gens veulent faire de la politique politicienne quelles que soient les situations, ils trouvent des arguments. Le procureur Adou et son équipe ont fait un excellent travail, qui a consisté à dire quels sont les responsables des troubles qu’il y a eus lors de la dernière élection présidentielle. C’est leur travail. Qui a orchestré les tueries et surtout qui a mis en place la machine qui a abouti aux morts ? Ils se connaissent, ils se sont tous retrouvés dans un soi-disant Conseil national de transition (Cnt). Ils ont assumé et se sont même donné des rôles dans ce conseil national de transition. Et la suite, on la connaît, il y a eu des morts. Donc, le procureur Adou est dans son rôle de magistrat qui a pour mission d’identifier les coupables ou responsables. Il fait son travail et les gens disent qu’il veut aller contre la cohésion sociale. Non, il ne faut pas que les gens se trompent. Moi,  je pense qu’il faut qu’on arrive à mettre fin à cette classe d’hommes politiques qui ne se sentent jamais responsables de quoi que ce soit. Vous décidez du jour au lendemain qu’on va lancer un mot d’ordre de boycott actif, vous faites des barrages, vous brûlez des voitures, vous tuez. Et au moment où on mène les enquêtes et on dit,  c’est parce que vous avez lancé ce mot d’ordre qu’il y a eu des morts, vous dites non, nous ne sommes pas les responsables. Je crois que l’un des gros problèmes que nous avons dans notre pays, c’est qu’il y a une irresponsabilité congénitale d’une certaine classe politique. C’est sérieux ce que je dis. Non ce n’est pas moi, je n’ai rien  fait. Mais qui a fait alors ? On s’est levé un matin et on a découvert qu’il y a un  charnier à Yopougon. Non, non, et on n’a vu personne comme responsable. Arrêtons ! En tout cas, je pense que celui qui veut être un homme politique doit d’abord commencer à assumer ses responsabilités. Responsabilités,  vis-à-vis,  des mots d’ordre que nous lançons, responsabilités, vis-à-vis, des actes que nous posons. Si on n’est pas responsable, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas. Je me lève le matin et je dis je ne suis pas d’accord avec Alassane Ouattara, allez brûler sa maison et les gens vont brûler sa maison. Au moment où on dit comme tu as dit de brûler la maison, c’est alors toi, le responsable. Tu dis non ce n’est pas moi. Qu’on arrête ! Surtout ce qui me fait mal, c’est quand ça vient de personnes d’un  certain âge. Que ce soit un enfant ou un adolescent qui se lève et pose certains actes ou certaines choses qui ont pour conséquence des morts et dit après que ce n’est pas lui, je peux comprendre. Mais quand des gens ont occupé des hautes responsabilités dans ce pays ou veulent aspirer à gouverner, lancent des mots d’ordre et que les conséquences sont dramatiques et fâcheuses, franchement, qu’ils arrêtent de dire qu’ils ne sont pas responsables. Et je pense que le procureur Adou est dans son  rôle et qu’il ne faut surtout pas qu’on mélange nos politiques politiciennes de dialogue avec la justice. Parce que s’il y a un principe que j’ai connu chez le Président Alassane Ouattara, c’est sa farouche volonté de lutter contre l’impunité. Franchement, ce n’est pas la peine que quelqu’un imagine un seul instant que le Président Alassane Ouattara va absoudre des gens qui ont commis des crimes graves. Oui, qu’il pardonne sur certains sujets, ok, mais les crimes qui ont été commis, des crimes odieux, je ne le sens pas capable de prôner l’impunité.

Vous avez été porte-parole du RDR, ensuite ministre. Aujourd’hui,  on a le sentiment  que vous avez été mis à l’écart. Est-ce vrai ?

Certains le disent, mais je ne suis pas à l’écart. Je suis dans mon rôle d’attirer l’attention des Ivoiriens sur ce qui est bon, pas bon et ce qu’il faut faire. Et c’est un peu çà. Il faut que les gens arrêtent de croire qu’on vient à la politique parce qu’on cherche des strapontins et tout. Ce n’est pas cela le plus important. On vient à la politique, parce qu’on a quelque chose à proposer aux populations. Beaucoup de militants du RDR se sentent un peu frustrés, parce qu’ils estiment qu’on fait trop la part belle aux militants de dernière heure. Ils ont quelque part raison, parce que n’oublions pas qu’ils ont quelque part souffert. Ils ont enduré des moments difficiles. Certains même ont perdu toutes leurs familles et par la suite,  ils se sentent abandonnés. Ceux qui les combattaient hier, sont ceux qu’on met au-devant de la scène. Ce sont eux qui deviennent ministres, directeurs de sociétés, mais ceux qui ont milité pour le Président Ouattara, qui ont mis leur poitrine, c’est normal et je dois avouer que dans nos rangs, ça grogne. Parce que les gens estiment qu’ils ne peuvent pas mener cette lutte pour que ce soit d’autres qui en profitent. Ceci étant, je leur dis à tous d’être patients. Il y a de la place pour tout le monde, tous les militants. Ils doivent retenir que le bien-être est mis au-devant et que le Président Ouattara fait quelque chose de bon pour les Ivoiriens. Ils sont bénéficiaires de ces bienfaits. Vous avez quelqu’un dans un petit village de Niablé, qui jusque- là,  n’avait pas de route pour évacuer ses produits. Aujourd’hui qu’il y a une route, un centre de santé, c’est aussi,  la récompense de la lutte qu’il a menée. C’est donc,  pour dire que même si on les comprend, ils doivent admettre que c’est une mission nationale qui a été confiée au Président Alassane Ouattara. Il faut le laisser choisir les hommes qu’il faut pour pouvoir conduire la mise en œuvre de son projet de société.

Quel appel lancez-vous pour une cohésion sociale réussie ?

L’appel est simple et je vais revenir sur le concept de réconciliation. Cela fait bientôt quatre ans que je dis sur les plateaux de télévision que les Ivoiriens sont réconciliés entre eux. Tout récemment,  le ministre Bruno Koné l’a dit aussi. Pour le constater, levez-vous le matin et allez dans les marchés. Le vendeur bété est à côté du vendeur baoulé, du vendeur wê, ainsi de suite. Ils sont tous ensemble au marché, leurs enfants vont à l’école ensemble. Pourquoi je dis que les Ivoiriens sont réconciliés ? Il faut se référer à ce que nous avons connu, ayons en image l’état de la Côte d’Ivoire au mois d’avril 2011. A cette période, j’ai un jeune frère qui m’a dit, écoute, comme tu as l’habitude de confiner des documents dans des dossiers, envoie des équipes sur le terrain, pour prendre des images. Mais en cette période, les gens se déchiraient dans les cours communes, les marchés n’existaient même plus, les corps jonchaient les rues. Heureusement que nous avons évité le cas du Rwanda, où il y a eu près d’un million de morts. Pendant cette période, les Ivoiriens n’étaient pas réconciliés, mais aujourd’hui est-ce que ce spectacle existe encore ? Non ! Parce que les enfants vont à l’école ensemble, les gens vont au marché, dans les champs et montent dans les mêmes cars et autres véhicules de transport en commun ensemble. Toutes les ethnies, les religions se parlent, ainsi de suite. C’est pourquoi, je dis que dans le fond les Ivoiriens sont réconciliés. Et nous devons continuer sur cette lancée. Si j’ai un appel à lancer aux Ivoiriens, c’est de dire, mesdames, messieurs les Ivoiriennes et Ivoiriens, populations de Côte d’Ivoire, laissez les hommes politiques faire leur cuisine, mais vous, accentuez votre cohésion. Paix à son âme,  le Premier ministre Hamed Bakayoko, quand il y a eu des troubles lors des élections d’octobre 2020,  et qu’il est parti  à  Bonoua, qu’est-ce qu’il a dit  aux jeunes ? Il leur a dit, écoutez, arrêtez de vous entre-tuer, parce que quand nous hommes politiques allons pour nous entendre, on ne vous appelle pas. Donc,  arrêtez d’obéir à certains mots d’ordre. A-t-il eu tort ? Concernant le dialogue politique, regardez les gens qui sont dans la salle, quel est le jeune d’Arrah, de Bonoua ou de Toumodi qui est parmi eux ? Il n’y en a pas. Ils ne sont même pas invités. Ces jeunes se sont levés, ont pris des machettes et ont commencé à découper les gens, mais ils ne sont pas invités. Donc, je dis aux jeunes et aux femmes de penser à leur avenir et laisser les hommes politiques dans leur marigot en train de faire leur sauce et autres. Çà garantit la cohésion sociale. Je voudrais voir la population ivoirienne en train de regarder la classe politique disant : « Ah, ils sont en train de se parler ! ». Je vais prendre un exemple. Une année, j’étais candidat aux municipales à Bouaké au même titre que mon grand-frère, Jean-Claude Kouassi, l’actuel ministre gouverneur. Chacun avait son clan et nous habitions le même quartier et pratiquement la même rue. Pendant que nous faisions nos meetings, son petit frère et le mien étaient assis au maquis en train de boire de la bière. Ma mère se lève le matin et va trouver la mère de Jean-Claude pour lui dire, allons faire notre marché. En passant les deux femmes ont vu nos affiches et ont dit : « Ces deux-là sont en train de faire ça ! ». Ma mère dit à la mère de Jean-Claude, qui est sa grand-sœur, « Allons faire nos courses et laissons-les faire ce qu’ils ont envie ». Le jour où les Ivoiriens comprendront que leurs intérêts se trouvent plutôt dans la cohésion sociale, au lieu de suivre certains mots d’ordre qui sont improductifs, mais qui amènent la mort, notre pays sera ce jour-là, un pays démocratique, où les hommes politiques vont changer maintenant de langage. Observez que depuis quelques années l’opposition ivoirienne n’a jamais rien proposé aux Ivoiriens. Leurs acteurs n’ont aucun projet, aucune vision. « Ah nous on veut qu’on libère les prisonniers », c’est ça leur vision. Leur projet de société se résume à là. « Nous, on veut la réconciliation ! ». Leur projet de société se résume à  dire qu’ils ont un projet disant « si nous arrivons au pouvoir, voilà ce que nous allons faire », n’a jamais été prononcé. Vous ne verrez aucun leader politique ivoirien de l’opposition aujourd’hui, dire quoi que ce soit sur ce qu’il compte faire pour les Ivoiriens, si demain  par chance,  il devenait président de la République. Donc, mon rôle est d’attirer l’attention des Ivoiriens sur le fait qu’ils doivent être très observateurs et savoir décrypter les mots et les comportements des hommes politiques. Pour l’heure, le meilleur décryptage qu’on puisse faire, est le Président Alassane Ouattara. Il joint l’acte à la parole. Pendant 30, 40 ans, on n’avait que deux ponts. Les ponts Félix Houphouët-Boigny et Général de Gaulle. Dans deux ans,  je crois, nous aurons trois autres ponts. Comme le dirait un chanteur « Même les aveugles voient ce qu’il se passe ». Donc, c’est pour vous dire que  tout ce que je demande aux Ivoiriens, c’est la culture de la  cohésion sociale et de la paix.

Interview réalisée par Clément Koffi

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